L’invalidation – beaucoup plus destructrice qu'elle en a l'air

Tu es assis avec une amie que ça fait longtemps que tu n’as pas vue. Soudainement, tu as l’élan de lui partager une situation qui t’a fait beaucoup de mal. Tu te lances :

« Quand Jo m’a dit ça, avec ce regard noir… J’ai senti mon cœur palpiter, l’anxiété monter, comme une envie urgente de fuir. »

Tu lui ouvres ton monde intérieur, en toute vulnérabilité. Puis, presque aussitôt, d’un revers de la main, ton amie te répond :

« C’est dans ta tête. C’est sûr qu’il n’avait pas de mauvaises intentions. »

Quelque chose se passe en toi. Tu sais pas exactement quoi, mais tu sais que ça goûte pas bon. Tout à coup, tu doutes – et si c’est moi le problème? Ma réaction, mon interprétation, mon ressenti sont peut-être pas vrais. Pas…valide.

Je t’apprends que tu vis probablement de l’invalidation.

Tu es devant une personne qui minimise ton vécu, l’impact que la situation a sur toi, ou ce que ça vient réveiller en toi. Ce genre de remarque peut avoir l’air banale, mais d’un point de vue plus profond, elle est un poison sur la confiance en soi. Je sais, parce que je l’ai vécu. Beaucoup trop.

Un autre exemple : Ton chéri va prendre un café avec une femme. Tu ressens profondément que quelque chose est off. Tu ne te sens pas en paix avec cette rencontre. Tu ressens des intentions autres de cette « amie ». La veille, tu en fais même des cauchemars, un grand inconfort est présent au fond de toi.

Tu partages ce ressenti à ton chéri. Qui te répond :

« Mais non, tu t’en fais pour rien. C’est toi que j’aime »

Ou, pire.

« Tu es juste jalouse, insécure »

C’est important d’en parler. Parce que l’impact de ce genre de remarques répétées peut être catastrophique sur la confiance en soi. Tranquillement, à force d’y être exposé, le doute de soi s’installe. On finit par remettre en question ses ressentis, ses intuitions, ses perceptions. Légèrement, au début. Puis sévèrement et systématiquement, si l'invalidation empire. Pas parce qu’ils sont faux. Loin de là. Mais bien parce qu’à chaque fois qu’ils sont partagés, ils se heurtent à un mur froid qui les éclate en morceaux.

On peut en arriver à se taire.

À ne plus nommer.

À perdre la voix.

Chaque partage devient un risque d’être accusé d’être « insécure », « contrôlant.e », « jaloux.se », « trop sensible », « susceptible ». Et malheureusement, de mon observation, l’invalidation est très répandue. Autant dans les relations intimes, qu’amicales, professionnelles ou familiales.

Je crois sincèrement que plusieurs personnes n’invalident pas par mauvaises intentions. Parfois, ça peut être par exemple une tentative (maladroite) de rassurer, de calmer la souffrance de l’autre. Ça peut aussi être que la personne n’est pas du tout consciente des dynamiques autour d’elle, et est incapable de valider l'autre, n’étant pas connectée à ses propres ressentis et intuitions. Mais, dans tous les cas, et c’est important de le dire : ça reste destructeur.

C’est aussi important de spécifier qu’à répétition et à un plus grand niveau d’intensité, cela peut devenir une véritable forme d’abus. La victime finit par perdre ses repères intérieurs, sa boussole interne se fracassant à coup d’invalidation. Elle peut vivre de la détresse importante, et décider, discerner, savoir ce qui est vrai ou faux devient de plus en plus difficile. La confiance en soi s’effrite dans toutes les sphères de la vie et elle peut aller jusqu’à en être infonctionnelle - au travail, dans ses études, ou ailleurs. Parce que comment peut-elle se faire confiance dans même la plus banale des décisions au travail, par exemple, si sa boussole est brisée?

Je l’ai vécu. J’ai vu d’autres le vivre. Et le pire dans tout ça, est que c’est insidieux. Difficile à détecter. Tellement subtil que ça passe souvent sous le radar. 

Oui, ces inconforts peuvent parfois s’ancrer ou être amplifiés par des blessures passées. Mais cela ne justifie en rien qu’on les balaye du revers de la main lorsqu’ils émergent dans une relation. Au contraire. Tout ce qui est réveillé mérite d’être entendu, considéré, et il est impératif que chacun prenne ses responsabilités sur ses propres comportements blessants dans toute relation.

J’ai aussi observé énormément d’invalidation dans certains cercles « New Age ».
Par exemple. Un partenaire agit de façon blessante. L’autre exprime son inconfort, et on lui répond :

« Ah, c’est tes traumas qui sont réveillés. »

Non, Jo. C’est peut-être - aussi - le cas. Mais tes comportements, eux, doivent absolument être regardés en face. Oui, même si "l’Amour universel" est la seule chose qui existe au niveau de l’absolu. Cela n’autorise en rien à générer de la souffrance dans la sphère humaine et relationnelle. C’est pas parce qu’une grenouille est « impermanente » qu’il faut passer dessus en voiture, non plus.

De mon côté, cette confiance en mes perceptions et intuitions est encore en reconstruction, après avoir fait piétiner ma boussole bien comme il faut tant dans l’enfance que ma vie adulte. J’ai réellement confiance qu’elle sera réparée, et bientôt, et que je ne laisserai plus jamais personne marcher dessus.  Ce qui a été crucial pour moi dans cette réparation:

• Mettre à distance les gens qui l’écrasent
• M’entourer de gens qui voient, honorent, respectent mes intuitions (pas aveuglément, mais bien parce que ça trouve résonance en eux et qu’ils ont la capacité de ressentir, et voir, également)
• Une bonne thérapeute qui est connectée à ses propres ressentis, et peut donc accueillir les vôtres aussi (Idéalement, qui a également fait ce travail de reconstruction de sa boussole interne et connaît le chemin)
• Livres/podcast sur l’invalidation, ou l'abus narcissique (It’s not you, de Dr Ramani, qui met d’ailleurs en lumière à quel point l’invalidation est au cœur de l’abus narcissique)

Je suis reconnaissante, d’une certaine façon, que ma boussole ait été autant piétinée dans ma vie. Classique, mais vrai. Ma nouvelle boussole va être une boussole phénix! c'est mieux qu'un Pokémon.

Je suis relativement fière de ce que j’ai accompli dans ma vie jusqu’à date, et ce, avec une boussole cassée. J’ai hâte de voir, dans ce nouveau chapitre, ce que je pourrai faire en ayant une cal*cement solide. Peut-être aider les autres à réparer la leur, qui sait! 😉

Aho! ✨